Quand l'Esprit Saint décoiffe !

(extrait d'un entretien avec notre Pape François)

François:I l ne faut pas avoir peur de dépendre seulement de la tendresse de Dieu… Vous connaissez l’épisode biblique du prophète Jonas?

Non, je ne me le rappelle pas. Racontez-le-moi.
 

François: Pour Jonas, tout était clair. Il avait des idées claires sur Dieu, des idées très claires sur le bien et le mal. Sur ce que Dieu fait et sur ce qu’Il veut, sur qui était fidèle à l’Alliance et qui était au contraire en dehors de l’Alliance. Il avait la recette pour être un bon prophète. Dieu fait irruption dans sa vie comme un torrent. Il l’envoie à Ninive. Ninive est le symbole de tous ceux qui sont séparés, perdus, de toutes les périphéries de l’humanité. De tous ceux qui sont en dehors, loin. Jonas a vu que la tâche qui lui était confiée consistait seulement à dire à tous ces hommes que les bras de Dieu étaient encore ouverts, que la patience de Dieu était là en attente, pour les guérir de Son pardon et les nourrir de Sa tendresse. Dieu l’avait envoyé pour cela seulement. Il l’envoyait à Ninive, mais lui, il s’enfuit du côté opposé, vers Tarsis.

Il fuit devant une mission difficile…
 

François: Non. Ce qu’il fuyait n’était pas tant Ninive que l’amour sans mesure de Dieu pour les hommes. C’était cela qui ne rentrait pas dans ses plans. Dieu est venu une fois… “et pour le reste, c’est moi qui m’en occupe”, voilà ce que s’était dit Jonas. Il voulait faire les choses à sa façon, il voulait tout diriger, lui. Sa ténacité l’enfermait dans ses jugements inébranlables, dans ses méthodes préétablies, dans ses opinions correctes. Il avait enclos son âme dans les barbelés des certitudes qui, au lieu de donner de la liberté avec Dieu et d’ouvrir des horizons de plus grand service aux autres, avaient fini par assourdir le cœur. Comme la conscience isolée endurcit le cœur! Jonas ne savait plus que Dieu conduisait son peuple avec un cœur de Père.

Nous sommes très nombreux à pouvoir nous identifier à Jonas.


François: Nos certitudes peuvent devenir un mur, une prison qui enferme l’Esprit Saint. Celui qui isole sa conscience et la laisse en dehors du chemin du peuple de Dieu ne connaît pas la joie de l’Esprit Saint qui soutient l’espérance. C’est le risque que court la conscience isolée. La conscience de ceux qui, du monde fermé de leurs Tarsis, se plaignent de tout ou, sentant leur identité menacée, se jettent dans la mêlée pour, finalement, être encore plus occupés d’eux-mêmes, faire encore plus référence à eux-mêmes.

Que faudrait-il faire?


François: Voir les gens non comme ils devraient être mais comme ils sont et voir ce qui est nécessaire. Sans prévisions et sans recettes mais avec une ouverture généreuse. Pour les blessures et les fragilités, Dieu a parlé. Permettre au Seigneur de parler… Dans un monde que nous ne réussissons pas à intéresser par nos paroles, seule Sa présence qui nous aime et nous sauve peut intéresser. La ferveur apostolique se rénove pour témoigner de Celui qui nous a aimés en premier.

Pour vous donc, quelle est la pire chose qui puisse arriver à l’Église?


François: C’est ce que de Lubac appelle la «mondanité spirituelle». C’est le danger le plus grand pour l’Église, pour nous qui sommes dans l’Église. «Elle est pire», dit de Lubac, «plus désastreuse que cette lèpre infâme qui avait défiguré l’Épouse aimée au temps des papes libertins». La mondanité spirituelle, c’est se mettre au centre. C’est ce que Jésus voit faire aux pharisiens: «… Vous qui vous glorifiez. Qui vous glorifiez vous-mêmes, les uns les autres».